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À CONSULTER RÉGULIÈREMENT
Se questionner sur la superproduction remet en question toutes les étapes de la filière du livre en amont (exploitation forestière, usine de pâte à papier, usine de papier, négoce) et en aval (édition et diffusion, impression, distribution, vente, pilonnage et recyclage), car la chaîne du livre est une relation d’interdépendance entre des métiers et des acteurs différents. La surproduction actuelle de livres est causée à l’origine par la financiarisation des groupes d’éditions. C'est un concept qui peut s'expliquer vulgairement par le fait que les actionnaires appliquent la logique issue du secteur financier au secteur de l’édition, c’est-à-dire qu’ils doivent investir les maisons d’édition pour en retirer le maximum de bénéfice (1). Ce système importé des États-Unis a deux conséquences pour les entreprises touchées par la financiarisation : les maisons d'édition doivent fournir un travail au service d’un résultat financier promis aux actionnaires, qui placent une énorme quantité d’épargne sur les marchés boursiers. Cependant, pour en bénéficier, notamment pour financer des innovations ou un achat d’autres entreprises (2), les maisons d’édition promettent de faire plus de profits, parfois en dépen de la qualité des services et produits (3). La financiarisation mène également à une dépendance des entreprises envers les actionnaires, “aucune entreprise ne peut vivre sans actionnaires [...] : l’entreprise dépend des financements externes pour assurer son développement” (4), car le fonds de pension est partagé entre toutes les entreprises. Cette logique est née aux États Unis, après la 2nde Guerre mondiale. En effet, alors qu’une entreprise se charge de collecter l’épargne de ses salariés en vu de leur retraite dans un fonds de pension placé dans l’entreprise elle-même, la loi ERISA (1974) demande de placer les fonds dans d’autres entreprises pour les partager : c’est la naissance des marchés boursiers (5). La conséquence des marchés boursiers est l’inégalité de la viabilité économique, car ils sont dominés par un cœur de quelques grandes structures leaders avec une viabilité solide, tandis que les plus petites maisons ont une viabilité économique fragile. Cela mène à une concurrence entre les entreprises, qui veulent garder leur quasi-monopole (6) (par exemple, 85 à 90% du marché est contrôlé par les leaders de l’édition (7)) ou qui doivent évoluer.

C’est donc une véritable course vers le monopole. Les maisons d’édition vont user de diverses stratégies pour agrandir leur place sur le marché. Par exemple, l’invention de la collection “Le Livre de Poche” en 1953 de la maison d’édition Librairie Générale Française permet de réduire les coûts la matière première et de la fabrication, pour proposer des ouvrages à un prix bon marché. D’autres collections suivent cette technique, et cela marque le début des livres à petits prix. C’est la démocratisation du livre et la facilitation de l’accès à une littérature diverse pour tous. En conséquence, le genre romanesque devient le coeur de production car il lui a été attribué une "légitimité culturelle”, qui se mesure désormais selon les succès commerciaux, le développement massif alloué au marketing et la visibilité publicitaire, alors qu’avant l’apparition des livres de poche, la légitimité culturelle se mesurait selon les instances culturelles (les critiques littéraires et le système éducatif). Les maisons d’édition, avec les livres de poche, recherchent donc en réalité la recherche du bénéfice maximal avec toutes les techniques de commercialisation, et on passe d’une” culture discutée” à une “culture consommée” (se mesure maintenant sur l'instantanéité et le volume des ventes.), et à un modèle de surproduction (8). À cause de l’économie de l’offre, la frontière de plus en plus maigre entre la création et le marketing, l’édition assume son nouveau rôle de publisher, qui consiste à faire du bénéfice maximal, notamment à travers une dynamique économique à court terme (la multiplication de nouveaux titres associée à une réduction de la durée de vie des livres “à la mode”(9)). En conséquence, la bibliodiversité est menacée, c’est-à-dire que la diversité culturelle est menacée et qu’on observe l'uniformisation de la production et des produits, car la rationalisation économique du travail éditorial incite à sélectionner les manuscrits de sorte à réduire au minimum du travail éditorial (10).

La recherche de bénéfice au service des actionnaires mène les entreprises (on parle des acteurs qui se situent hiérarchiquement le plus en haut de l’échelle verticale d’une entreprise) à revoir leur répartition salariale, qui devient injuste pour certains acteurs. Par exemple, les auteurs sont de moins en moins rémunérés (la rémunération moyenne par titre est passée de 7 026€ (2007) à 5 673€ (2018), soit une perte moyenne de près de 20 % en une dizaine d’années (11)). En parallèle d’une concentration (agrandissement des entreprises par la fusion de plusieurs d'entre elles) et d’une précarisation des emplois (destruction d’emplois, crise sociale sur le marché du livre), la charge de travail devient plus importante pour faire face à la concurrence, c’est-à-dire qu’il a plus de livres mais pas plus de salariés (édition, correction, mise en page, promotion, etc). De plus, les invendus (même pilonnés) restent toujours une source de revenus économiques pour les distributeurs, donc cela ne les incite pas à changer de fonctionnement.

- Lana Khong
recherches - Lana Khong, Nina Rapin, Luca Sebastien
7-15 janvier 2023
(1) un livre français, Évolutions et impacts de l'édition en France, Basic, 2017, p.12
(2) Dessine-moi l'éco : La financiarisation des entreprises, Dessine-moi l'éco, 2012
(3) Ibid
(4) Rôle et nature de l'actionnariat dans la vie des entreprises, Daniel Michel, revue projet, 2001
(5) Dessine-moi l'éco : La financiarisation des entreprises, Dessine-moi l'éco, 2012
(6) quasi-monopole: situation d'un marché dans lequel un ou quelques vendeurs dominent très largement le marché (définition de "monopole" sur www.toupie.org
(7) un livre français, Évolutions et impacts de l'édition en France, Basic, 2017, p.13
(8) De l’impression à la vente des livres, Filière du livre, Basic, 2018, p.3
(9) un livre français, Évolutions et impacts de l'édition en France, Basic, 2017, p.10
(10) un livre français, Évolutions et impacts de l'édition en France, Basic, 2017, p.13
(10) un livre français, Évolutions et impacts de l'édition en France, Basic, 2017, p.10
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