Lana

Social-Écologie, Éloi Laurent, 2022, Éditions Flammarion

À l’heure de l'anthropocène, c’est la manière dont nous organiserons nos sociétés qui déterminera le devenir des écosystèmes. Les sciences sociales ont permis de comprendre le non-sens de la séparation entre l’impératif social et environnemental, car les inégalités sociales sont les causes des problèmes environnementaux, et les crises écologiques affectent les plus démunis, dans les pays pauvres mais aussi riches (1). Il faut donc approcher une “nouvelle écologie politique”, en articulant développement économique et contrainte écologique autour de la justice (2), et se questionner sur une répartition soutenable des ressources environnementales (3). Pour saisir ces enjeux, la justice ne peut ignorer les enjeux économiques (4) et la perspective philosophique (5). Cette écologie politique refonderait l’économie en mettant au centre de la réflexion la dynamique social-écologique (6), notion qui découle de l’écologie sociale de Murray Bookchin (7), pour qui tous les problèmes écologiques auront leur racine dans les problèmes sociaux tant que l'humanité n'y répond pas avec sa sagesse collective, ses innovations technologiques et ses accomplissements culturels et son savoir scientifique.

La justice environnementale est née aux États-Unis à la fin des années 1970, dans le contexte du combat pour l'égalité raciale et de l'activisme civique (8). Depuis, la courbe environnementale de Kuznetset (9) a placé une réflexion sur le rôle des institutions et politiques dans la protection des ressources environnementales, qui doit être soutenable et pensée sur un long terme. Les politiques sociales jouent alors un rôle clé dans cette adaptation, et le degré de justice doit être débattu de manière démocratique dans tous les pays.

Mais faut-il gouverner la social-écologie avec la démocratie actuelle, alors qu’elle présente des failles éthique, institutionnelle et économique ? L’auteur rappelle que la démocratie a permis à la demande environnementale de s'exprimer, qu’elle possède une réactivité (10) qui tolère le mieux la diversité et l'autonomie des formes locales de gouvernement, et garanti l'intégrité des procédures scientifiques et leur diffusion auprès des citoyens pour en débattre des lois (11). Et historiquement, nous savons que la démocratie est plus favorable que les régimes autoritaires à la soutenabilité environnementale (12).

Pour défendre la solidarité globale vers une écologie soutenable, le débat actuel doit placer les questions d'emploi et de justice sociale au cœur des politiques environnementales. Il s’agit par exemple de développer des secteurs de l'économie, de développer les eco-industries (13), et de protéger les ressources naturelles dont dépendent des millions d'emplois. Cependant, ce projet semble utopiste, car elle met en avant une mythologie d'une humanité solidaire, unie face aux menaces écologiques à l'inégalité sociale et aux défis environnementaux. Pour les pessimistes, la demande écologique est l'apanage des plus riches, elle finira par révéler l’incapacité des partis politiques à repenser notre mode de développement, et elle ne prend pas en compte les obstacles culturel, sociologique et politique (14). Dans ce champ de bataille, l’auteur rappelle l’importance de notre valeur ajoutée dans les débats par son rôle dans la formulation des problèmes complexes sur la justice et l'injustice (15).

- Lana Khong

13 février 2023

Toutes les références à des pages proviennent du livre Social-Écologie, Éloi Laurent, 2011, Éditions Flammarion

(1) p20

(2) p23, Il est cité trois enjeux de justice reliés : solidarité synchronique (rapport des humains du présent entre eux), solidarité entre êtres de nature (rapport entre les humains avec le reste du monde naturel), solidarité diachronique (rapport entre les humains du présent avec ceux du futur)

(3) p23, La soutenabilité, selon Robert Solow, est de conserver dans le temps une capacité généralisée à produire du bien économique et de doter les générations futures de ce qui est nécessaire pour avoir le même niveau de vie que sa génération précédente, et de faire le nécessaire pour sa génération suivante

(4) p55, Pour Andrew Dobson, il existe trois manières de penser théories de la justice et questions environnementales : la qualité environnementale est inégalement répartie parmi les membres d'une société ; la justice est la condition de possibilité de la soutenabilité ; rendre justice à l'environnement ou au nom de l'environnement (la Nature a une valeur morale et un statut juridique)

(5) p55, Par exemple, Andrew Dobson parle de rendre justice à l'environnement ou au nom de l'environnement, cependant il est éthiquement questionnable d’étendre un statut moral et des valeurs morales humaines, à des non-humains

(6) p36, C'est-à-dire la projection dans le temps de nos systèmes économiques et sociaux pour en déduire les politiques publiques soutenables

(7) M. Bookchin, "Society and Ecology", janvier 1993, in Janet Biehl, The Murray Bookchin Reader, Londres, Cassel, 1997

(8) p103, La justice environnementale servait à dénoncer la pratique visant à déverser des déchets chimiques toxiques dans les quartiers africains-américains pauvres

(9) p79, P. Criqui, "Croissance durable : mythes et réalité", Note de travail n°41, 2007, LEPII

(10) p147, R.A Payne, "Freedom and the environment", Journal of Democracy, vol. 6, n°3, juillet 1995, p.41-55

(11) p151

(12) p151, Exemples pour éclairer le lien démocratie/soutenabilité environnementale :
URSS : le régime totalitaire a voulu soumettre son environnement naturel a ses priorites ideologisues au mepris de la soutenabilite de son develippement et de la santé de ses citoyens
Chine : combinaison autoritarisme politique/capitalisme néfaste pour l'environnement
États Unis : démocratie corrompue par les inégalités qui s'enfonce dans la médiocrité écologique

(13) p211, On parle de nouveaux secteurs de production de biens et de services environnementaux, verdir les secteurs existants

(14) p218, J. Theys, "Pourquoi les préoccupations sociales et environnementales s'ignorent-elles mutuellement ? Un essai d'interprétation à partir du thème des inégalités écologiques", Bruxelles, Éditions de l'université de Bruxelles, 2007, p23-35

(15) p226

Nina